04/10/2014, Bernard Guiter, Le sacré et le Religieux
LE SACRE ET LE RELIGIEUX
Bernard Guiter le 04/10/2014
I. LE SACRE
L’hypothèse ici est que le sacré en tant que réel inflige un trauma que le symbolique aura du mal
à circonscrire (d’où le fait qu’il perdure) mais réussira à tempérer.
Est sacré ce qui dispose d’un potentiel, d’une charge qui ne demande qu’à se déployer dans un champ donné
sous la forme d’une force capable, dans ce champ, de modifier êtres et choses et ce tant dans leur nature que dans
leur physiologie. Mais la particularité en matière sacrée, c’est que ce potentiel ne lui est pas propre, il lui est
conféré. En d’autres termes, est sacré ce qui est sacralisé par le profane. Pourquoi donc le profane
s’emploie-t-il à sacraliser ? Le découpage de l’univers anthropologique en trois catégoriesréel-symbolique-imaginaire,
permet de mieux comprendre ce processus. Le réel lacanienest ce qui de l’univers anthropologique n’est pas capturé
par l’imaginaire ni par le symbolique. C’est l’innommé, « l’impossible »[25] , l’innommable, « Ce qui n’a pas
de nom dans aucune langue »[26] et que le symbolique tente de circonscrire, « Ce qui ne cesse pas de ne pas
s’écrire »[27]. Ce réel, en dehors du champ de toute assignation (ex-sistant) mais qui fut toujours là, recouvre
particulièrement trois concepts : les origines, la jouissance et la mort. Le réel est pour l’homme cette mauvaise
rencontre (tuché) incompréhensible (le trauma) où s’origine l’automaton (et donc la pulsion de mort). Le symbolique
s’il n’explique pas le réel le tempère individuellement et secrètement par le fantasme, collectivement et
publiquement par le mythe.
Le sacré est alors le nom de l’étiologie du trauma. Il peut s’agir de l’énigme des origines ontogénétiques ou
phylogénétiques, de la peur de mourir ou d’être démuni face à la rudesse de la vie, des déchaînements naturels
ou des débordements technologiques quand l’homme leur donne une origine surnaturelle, en fait le résultat d’une force
inconnue.L’homme, via le mythe pacifiera ses formes de trauma mais, le monde sacré lui sera à jamais totalement
hétérogène. Maintenant il y aura un principe de hiérarchie : le monde sacré domine le monde profane. Mais il y a
un autre principe corollaire de la coupure hiérarchique, c’est celui de disjonction : profane et sacré sont disjoints et
radicalement hétérogènes : le sacré peut se manifester dans le profane sans être profané mais alors il est terrifiant
(assimilation du sida à la punition sacrée de la luxure) ou bienfaisant (miracle). En tout cas, il est toujours chargé
de puissance et caractérisé par sa démesure. Le profane, lui, ne peut pénétrer le monde sacré sans être sacralisé
(ou consacré).
Marcel Gauchet remarque alors avec pertinence : « Certitude de Dieu et mystère du monde, autonomie
objective du même monde et suspension de son sens à la toute subjectivité de Dieu : ce n’est pas seulement
le partage de la raison et de la foi que l’on voit se profiler au nombre des possiblesinscrits dans la logique de la
transcendance, c’est également derrière elle la division du sujet et de l’objet»[28].
Mais, ce constat est contenu dans l’étymologie même du terme “sacré” qui est sanctus ce qui veut dire
interdit au contact des hommes (sous pleine de sanctio : sanction), mais aussi sacer ce qui alors signifie état mystérieux
et ambivalent chargé de puissance d’où son autre appellation de numineux (de numen qui signifie puissance).
La puissance en question c’est, une fois le trauma imputé au sacré, la projection de la terreur humaine balisée par l’angoisse,
signal de danger. Elle est donc plus maléfique que bénéfique.
Rudolf Otto, dans son ouvrage Le sacré (1917) a décrit les étapes de la rencontre de l’homme avec le sacré,
la magestas: rencontre où prédomine l’effroi (tremendus) devant l’énigmatique (mystérium tremendum) qui devient
enchanteur (tremendum fascinans) avant que ne se produise l’union transformante de l’homme avec le numineux.
La rencontre de Moïse avec Dieu (encore innommé) sur l’Horeb, montre bien le sacré comme une puissance s’exerçant
dans un champ interdit au contact : «N’approche pas d’ici, ôte tes sandales de tes pieds car le lieu que tu foules est une
terre sainte » (Ex. 3 ; 5), de même que la terreur de Moïse : « Moïse alors se voi-lât la face dans la crainte que son regard
ne se fixât sur Dieu » (Ex. 3 ; 6).
Ce sacré va présenter deux grandes caractéristiques. Tout d’abord, il est permanent, ensuite, il est mobile. La tendance
du profane à rechercher des causes à ses maux de même que les remèdes que peut proposer cette cause, l’amène à sacraliser
certaines de ses formes élevées à la dignité d’êtres supranaturels. Ainsi, le Parti, la Patrie, la Science et le Progrès,
connaîtront, avant de décevoir, cette sacralisation. Les hymnes le proclament “ Amour sacré de la patrie ”
(souligné par nous) : “Debout les damnésde la terre ”.
La science qui propose l’immortalité ou l’anéantissement, fut toute désignée pour une sacralisation. Mais, pour rester
dans le monde de la spiritualité, si le monde symbolique du mythe pacificateur connaît des prolongements théologiques
(intellectuels) ou rituels (pratiques), trop sophistiqués et foisonnants, voilà que le profane communique avec le sacré comme
dans les temps anciens. C’est la mystique où le fidèle s’adresseau Christ comme les mystiques de l’aube (les grands prophètes)
s’adressaient au Dieu vétérotestamentaire, directement, hors des dogmes religieux de l’organe de transmission : l’Eglise.
Que le mythe explicatif défaille et le sacré s’empare d’un autre. C’est la gnose ou l’échec à expliquer le mal induit
la déchéance du Créateur au profit du Grand Géomètre. Que les dogmes, les pratiques, soient mis en question et pointe
l’hérésie (Vaudois Cathares) ou le schisme (Orthodoxie, Réforme), comme refuges du sacré. En somme, le sacré est toujours là et
c’est alors qu’intervient le religieux mais il a une exigence ce sacré : être tempéré mais non occulté.
II. LE RELIGIEUX
Une fois l’effroi du trauma imputé à une force supranaturelle, l’homme va puiser dans le thésaurus pour organiser ou
emprunter un discours mythique (Atrahasus, Gilgamesh, Noé) explicatif de ce passage du « j’ai peur » à « c’est effrayant »
(projection). Ce discours mythique est l’essence même du religieux, le mythe expliquant, le religieux prescrivant les conditions
contraignantes de retour aux hypothétiques happy days. Les moments cruciaux du mythe seront reproduits : ce sont les rites.
Ici,mon hypothèse est que le rite est la survivance du trauma originaire, voué à la répétition car il ne peut être inclus dans le système
conceptuel de l’homme qui tente et retente de l’intégrer. Le rite signe donc le pouvoir de l’imaginaire, la persistance de
l’image autour de laquelle le symbolique insiste à expliquer et, faute d’y parvenir, se reélabore sans cesse. Le rite assure
donc la persistance autant que le renouveau mythique. Mais, le rite conjugue parole, action, ornementation (la musique par
exemple), il est donc une mise en scène avec acteur (l’officiant) etpublic (les fidèles) et en ce sens, il a une fonction
psychodramatique cathartique. En d’autres termes, il est à la fois le pathos et sa thérapeutique (efficacité du rite).
Le mythe, lui, est « un langage originaire sur l’origine »[29]. Il est l’enfant chéri des sciences humaines et ce de
l’anthropologie à la psychanalyse où Freud, après avoir redoré le blason de l’Œdipe de Sophocle, crée le mythe de la horde
primitive, traite son édifice théorique d’être mythique. Levi-Strauss écrira même : « L’opposition du rite et du mythe est celle
du vivre et du penser »[30]. Mais, si Freud compare au mythe une formalisation qui lui est coûteuse, sa volonté de ne pas faire souffrir
de réminiscences la clinique du sujet se traduit par sa difficulté à clore cette formalisation métapsychologique qui, via l’inhibition,
le passage à l’acte ou la légende ne verra qu’une partie du jour promis. Il est important de rappeler sa position en regard
du mythe. Freud aimece mythe où le latent est moins latent que dans la névrose, qui aide à supporter cette “ peste”
psychanalytique subjectivement insoutenable si le mythe ne venait montrer que le Kernkonplex est universel : « C’est le caractère
évident, non censuré du récit qui lui confère une utilité dans l’argumentation. Il éclaire parce qu’il est clair. Il persuade
parce qu’il n’a pas besoin d’être déchiffré »[31]. Le mythe et le rêve, les deux amours freudiens, finissent par se rencontrer et le rêve
est « analogue à la légende grecque, s’oppose à la névrose analogue au drame shakespearien comme si le refoulement y était
moins efficace et presque absent »[32]. Alors une analogie s’impose : si le rêve est induit par un élément de réalité :
l’entrepreneur, n’en est-il pas de même pour le mythe ? Le meurtre du père comme initiateur du passage de la nature à
la culture n’est-il pas réel? C’est dans ce sens que s’oriente Freud : « Je n’hésite pas à affirmer que les humains ont toujours su,
de cette manière particulière, qu’ils ont possédé un jour un père primitif et qu’ils l’ont mis à mort »[33]. Girard approuve :
« La première fois, il s’est réellement passé quelque chose de décisif »[34], Lacan ironise : « Le père de la horde, comme
s’il n’y en avait jamais eu la moindre trace du père de la horde »[35]. La démonstration de Lacan passe par le fait que la mort
du père n’autorise pas à jouir pleinement de la mère comme Souverain-Bien. C’est à ce titre qu’il fera de l’œdipe le rêve de Freud
(rêve du père mort faisant des reproches) et qu’il montrera la nécessité pour Freud d’en rendre compte par cet autre mythe
qu’est le Totem. Avec la mort du père et l’avènement de la loi garante du pacte social la jouissance est interdite, elle meurt
avec le père. On a donc d’un côté Freud et l’action comme première et de l’autreLacan et le Verbe aux commencements. En fait,
Lacan retourne à Freud mais au Freud psychanalyste qui énonçait dans Totem et Tabou: « Les morts sont des dominateurs
puissants »[36] et Lacan lui fait écho : « A la phrase du vieux père Karamazov, si Dieu est mort tout est permis, la conclusion
qui s’impose dans notre expérience c’est qu’à Dieu est mort, répond plus rien n’est permis »[37], (ce que Freud avait anticipé
dans l’homme aux rats victime du père mort). Il fait donc du drame primitif une parole sur le réel de la mort et de la jouissance.
Plus qu’il ne retourne à Freud, Lacan fait retourner à la psychanalyse un Freud qui égaré dans l’anthropologie reste toutefois prudent
et qui intitule son Moïse : “roman historique”. Mais, la position freudienne est intéressante,si le père a bel et bien été tué par sa
descendance, ce meurtre est le traumatisme primaire de l’humanité dont le rite est la survivance et le mythe l’explication sans
cesse renouvelée, le sens mis sur le cri sexuel du monde. En tout cas, l’analogon freudien mythe-rêve connaît ses limites :
le mythe parle d’un destin, le rêve d’un désir. Freud le sait, lui qui ne porte pas Sophocle dans son cœur alors qu’il encense
Euripide, qui revient à la clinique du sujet dès que celui-ci s’éclipse dans la nuée anthropologique et qui écrira à propos
d’Œdipe-roi : « Cette tragédie est au fond une pièce immoraleparce qu’elle supprime la responsabilité de l’homme, attribue aux
puissances divines l’initiative du crime et révèle l’impuissance morale à résister aux penchants criminels »[38]. La psychanalyse
sera donc une école de responsabilité.
Le religieux est nécessaire car l’homme est désespéré et la nature désespérante. Freud le souligne sans cesse :
« Le monde n’est pas une chambre d’enfant »39]. Puis il énonce que la religion est un médicament avec l’art et les toxiques.
Mais, paradoxalement, ce médicament il le refuse à l’homme : « Je suis hostile à la fabrication des visions du monde »[40]. Il traitera
alors la religion d’illusion, une illusionqui se distingue d’une idée délirante : « L’illusion n’est pas nécessairement fausse, c’est-à-dire
irréalisable ou en contradiction avec la réalité »[41], mais « elle-même renonce à être confirmée par le réel [42], et « on ne peut
pas plus les (illusions)réfuter que les prouver »[43]. Ce terme d’illusion est commenté par Fethi Benslama pour qui
« l’illusion est une force, une force liée à un désir très ancien qui vise son accomplissement en renonçant à toute
accréditation auprès de la réalité »[44]. Benslama pense que cette illusion trouve sa force dans la détresse infantile, contre laquelle
on tente de se prémunir en invoquant une puissance tutélaire substitut de la protection paternelle. L’illusion est le constat d’une
menace mais le déni qu’elle soit irréfutable. Sa racine en est ’illusion s’orga « le désespoir vécu dont elle veut prévenir le retour »[45]
et elle est donc « plus proche de la vérité historique de cette détresse (humaine) que la rationalisation secondaire qui la dénie »[46].
L'illusuin s'organise autour du réel donc de l’impossible et l’impossible revêt deux formes : la détresse humaine qui relève d’un manque
essentiel incomblable ne peut être éliminée et la religion qui travestit la réalité et la transforme est la réponse impossible à cet impossible
dans la mesure où elle promet la résolution du manque et fait de Dieuson comble. Pour Fethi Benslama : « Les fictions des origines
ne se posent pas autour de la question de la vérité et ne s’opposent pas à elle mais doivent être pensées au regard de l’impossible »[47].
C’est aussi en tant que névrose obsessionnelle de l’humanité : « En vertu de ses concordances et analogies, on pourrait se risquer
à concevoir la névrose obsessionnelle comme constituant un pendant pathologique de la formation des religions et à qualifier
la névrose de religiosité individuelle, la religion de névrose obsessionnelle collective »[48] encore appelée « la maladie du tabou »[49]
que la religion s’impose dans la pensée freudienne. Pourquoi ce refus alors que Freud déclare : « Telle qu’elle nous est imposée,
notre vie est trop lourde (…) nous ne pouvons nous passer de sédatif »[50] ? Veut-il pour l’homme plus d’autonomie en
se dédouanant du joug du religieux : « L’homme ne peut pas éternellement demeurer un enfant (…). En retirant de l’au-delà ses
espérances (…) l’homme parviendra sans doute à rendre la vie supportable à tous »[51] ? A ce constat il ajoute : « L’abandon de la
religion aura lieu avec la fatale inexorabilité d’un phénomène de croissance »[52]. Freud a-t-il pour ambition d’imposer
la psychanalyse comme Weltanschaüung ? Pour cela, Freud postule d’abord que la psychanalyse « peut se rattacher à
la Weltanschaüung scientifique»[53]. Freud pourtant est souvent moins acide. Il a parlé de la névrose obsessionnelle comme
d’un “pendant pathologique” de la religion dans la citation ci-dessus. Par la suite, il énoncera : «Une névrose obsessionnelle
est une religion déformée »[54], et avouera sous de multiples formes que « la religion a évidemment rendu de grands services à
la civilisation »[55].Tantôt amie, tantôt ennemie, haïe et aimée, la religion s’impose à Freud comme un objet de désir, ce que
souligne son biographe Jones : « La religion ne cessait jamais longtemps d’occuper l’esprit de Freud »[56].
A trois remèdes, trois maux. La religion et les autres sédatifs ont pour fonction d’« exorciser les forces de la
nature, nous réconcilier avec la cruauté du destin telle qu’elle se manifeste en particulier dans le mal et nous dédommager
des souffrances et des privations que la vie en commun des civilisés impose à l’homme »[57].
A - LA FONCTION CONSOLATRICE :
L’homme naît malheureux. Si le bonheur utérin de Sandor Férenczi et sa conséquence le traumatisme de la naissance d’Otto Rank
restent plus hypothétiques qu’empiriques, le malheur est corrélatif de l’humaine condition. Biologiquement immature, l’homme est
livré à l’ananké et le sentiment d’Hilflosigkeist (être démuni) est aux portes de son psychisme. Il va devoir perdre (et la perte est
inaugurée par le complexe d’ablactation) et désirer ce qu’il n’a plus (les objets premiers “a”, causes du désir). Dans ce contexte nostalgique,
survient le scandale de l’intrusion et ses deux mamelles la jalousie et l’émulation, tandis qu’il se voit imposer sevrage et dressage.
Il lui faut renoncer au Souverain-Bien, la mère, femme des premiers soins. Puis, socialisé, il ne lui reste plus avant de périr
qu’à tempérer son désir en regard des exigences du contrat social, s’épuiser à satisfaire les idéaux les plus nobles de la civilisation
pour ne pas se décevoir devant la dictature de son image anticipée. L’amour, quant à l’amour, sensé apporter son baume à la tragédie,
écorné par le calendrier, il n’est que la mise en commun de deux solitudes, doncune solitude double puisque la femme n’aime que deux
hommes son père et son fils (qui est et a ce qu’elle n’a pas) et l’homme, lui, n’aime que son infirmière de mère. Cette souffrance de l’homme,
de ses origines à sa fin, serait à tout prendre insupportable si elle ne connaissait ni explication nirésolution. C’est alors qu’intervient
le mythe qui va pacifier la douleur d’à “l’est d’Eden”. La version sacerdotale de la Genèse (de genesis à la fois origine et naissance)
nous met en présence d’un Dieu (puissance organisatrice) heureux de sa transformation du chaos en cosmos : « Dieu vit que cela
était bon » (1Gn. 1 ; 10). La version yahviste narre la création, à l’Orient du jardin d’Eden, d’un véritable Etat-Providence (pôle maternel)
dont il fait l’habitat de l’homme (ish) né de la glaise d’où son patronyme : Adam (de adhâma : terre rouge). Dieu anime l’homme
par l’haleine de vie (souffle de Dieu). La femme, elle, naît de l’homme y compris sémantiquement : ishsha (féminisation du signifiant
homme pouvant être traduit par hommée ou hommesse). La sexualité est donc dès le monde de la Bible phallocentrée. La femme aura
pour patronyme Ava: la mère de tous les vivants. Pour le coup Lacan, dans son séminaire Le sinthome (1975, 1976) l’appellera Evie
(néologisme entre Eve et vie) et, de cette femme, mère des vivants, il en fera un autre nom de Dieu puisqu’elle génère l’humanité.
Par ailleurs, la prononciation anglaise de “l’Adam” c’est “la dame” : Adam est une Madame. Ce joke de Joyce n’est qu’à demi
plaisanterie puisque dans la tradition yahviste Adam veut dire l’Homme comme métaphore de l’humanité soit le mâle et la femelle
et non le père originel. A l’homme, Dieu donne le pouvoir de nomination, l’accès à ce trésor des signifiants dans lequel il aura
la charge de puiser et qui lui est radicalement hétéronome. Règne une loi à laquelle l’homme doit se plier (pôle paternel) :
« De l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas » (1Gn. 2 ; 17). Le diable (principe opposant) propose à
la femme de s’équivaloir à Dieu : « Vous serez comme des dieux » (1Gn. 3 ; 5). Et voilà la loi enfreinte, le péché originel accompli et
la chute amorcée. Tombe la triple sanction : l’exil à l’est d’Eden, la souffrance et la mort. Mais avec la sanction arrive
l’émancipation. L’homme et la femme, nus sans en avoir honte, prennent connaissance, le fruit mangé, de leur nudité :
« Ils connurent qu'ils étaient nus » (1Gn. 3 ; 7). La connaissance interdite porte sur la sexualité et la puissance organisatrice et
le principe opposant créent la chair et avec la chair le désir et avec le désir la copulation et l'engendrement. Ceci d'ailleurs était
le projet initial de Dieu : « C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à la femme et ils deviennent une seule
chair» (1Gn. 2 ; 24). « Le diable est un opposant que Dieu récupère »[58] dit Alain Houziaux, qui fait de ce mythe une initiation et
une émancipation, et il rajoute : « Car à mon sens, le plan de Dieu c'était l'émancipation de l'homme, la désobéissance de l'homme,
la sexualisation de l'homme. Pour qu'il puisse devenir son lieutenant ou mieux son tenant-lieu. Pour que Adam puisse à
sa place travailler le monde, pour que Eve puisse à sa place travailler lavie»[59]. Ce thème de la transgression qui vise, via la sanction,
l'intégration dans la communauté humaine est brûlant d'actualité en ce siècle agité par la fureur des banlieues de la mégapole où la
violence des exclus est peut-être une demande d'adoption. La transgression en tout cas retrouve son étymologie première dans le mythe
d'Eden : passer la porte, le seuil dela maison. Le mythe nous montre aussi que l'humanisation passe par le renoncement au
Souverain-Bien, faute de quoi se profile ce que le clinicien rencontre au quotidien : l'univers du non-désir, celui de la psychose quand
la satisfaction anticipée des besoins interdit l'énoncé d'une quelconque demande. En d'autres termes, l'humanisation passe par le
trauma, par l'abandon des trois thèques : « Va pour toi de la terre de ton enfantement, de la maison de ton père, de la terre de ton pays,
l'enveloppe qui enveloppe les deux autres puis vient le corps maternel et la maison paternelle»[60]. Cet abandon, punition calculée
du Dieu vétérotestamentaire, seraun énoncé direct dans les évangiles synques où il y a punition « si quelqu'un vient à moi sans haïr son père,
sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et jusqu'à sa propre vie » (Lc. 15 ; 26) (le mot “haïr” est un hébraïsme qui
signifie se détacher immédiatement et brutalement). Le renoncement est étendu à la fratrie et à la descendance rappelant à l'homme que
le fils doit partir comme lui s'en est allé : “Va pour toi”, ce qui n'est pas sans peine car « quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à
ma suite ne peut être mon disciple » (Lc. 15 ; 27). La voie du désir est encore assainie et les biens de jouissance en seront des
obstacles : « Le fils de l’homme n’a pas où reposer la tête » (Mt. 8 ; 20). Une fois engagé sur cette voie, nul retour n’est possible :
« Laisse les morts enterrer leurs morts » (Mt. 8 ; 22) dit Jésus au disciple qui, avant de l’accompagner, veut aller aux obsèques
paternelles et il assène : « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde derrière est impropre au Royaume de Dieu » (Lc. 18 ; 62).
Lacan retrouve avec l’analyse l’énoncé biblique : « Défendre ses biens n’est qu’une seule et même chose que de se défendre à soi-même
d’en jouir. La dimension du bien dresse une muraille puissante sur la voie de notre désir »[61].
Voilà donc dans un premier mouvement la fonction consolatrice expliquer l’origine du mal de l’homme. Le deuxième
mouvement sera de lui démontrer que ce mal est inhérent au péché originel et à sa conséquence : la chute, et qu’il soit physique
ou psychique (iniquitas), reçu ou infligé, il peut être dominé par l’homme : « Le péché est à ta porte, une bête tapie qui te
convoite et que tu dois dominer » (Gn .4 ; 7). Ce mal est donc ici extérieur à l’homme du libre-arbitre d’Erasme et parmi les pères
de l’Eglise saint Augustin ira jusqu’à faire de ce mal l’aimé de Dieu, la cause du désir de Dieu pour l’homme, l’heureuse
faute (felix culpa). La culpabilité est tempérée tandis que, de surcroît, une issue est offerte à l’homme : le rachat au prix de
ses renoncements puisque « chaque renoncement se retrouve dans le monde mythique porté à son actif (…), ce qu’il avait dédaigné
en profane, c’est en sacré qu’il le retrouve »[62].
Mais bien sûr cette fonction consolatrice avorte et les maux humains sont imputés à un Dieu qui dort : « Réveille toi
mon Dieu » (Ps. 7 ; 7), ou a un Dieu complice : « O Dieu, ne reste pas muet » (Ps. 83 ; 2) et la Bible est d’ailleurs plus le livre des
questions que celui des réponses. Mais Dieu répond dans le Livre de Job qu’il est radicalement Autre et qu’à ce titre ses projets ne
peuvent qu’échapper à l’homme. Progrès à ce titre sur la Mésopotamie où le Juste souffrant est ainsi selon le bon plaisir
des dieux. Progrès aussi par rapport aux anthropomorphiques dieux grecs penchés au balcon de l’Olympe puisque le désir
biblique est dessin de Dieu : “ ils deviennent une seule chair ” alors que la femme, Pandora, est le tourment de l’homme grec
envoyée par les dieux volés à Prométhée.
B - LA FONCTION UNIFICATRICE :
Quand Freud, en 1912, écrit Totem et Tabou il met en relation deux entités : des tabous spécifiques sont associés au totem. En fait,
il faut mettre en relation avec le totem : le mana, le tabou et le noa qui forment « une triade organique »[63]. Le totem est un animal ou
un végétal qui dans une tribu caractérise chacun des clans qui la composent et qui est « à la façon d’un ancêtre, objet de crainte,
de révérence,de culte »[64]. Le mana c’est l’énergie dont je parlais au commencement de cet exposé. Energie diffuse dans le cosmos
(pensée pré-animiste), elle vient habiter certains êtres du monde sensible (chef, sorcier, ancêtre) ou supra-sensible (esprits des morts, morts).
C’est la pensée maniste. La pensée animiste, elle, dotera tous les êtres du monde de cette énergie à partir du constat que fait le primitif
d’une âme quittant le corps pendant le rêve et d’une nature animée qui doit obéir aux mêmes lois que lui. Le tabou est pour Freud
citant Wundt : « Le code non écrit le plus ancien de l’humanité »[65] qui se « manifeste essentiellement par des interdictions et
restrictions »[66]. Si le totem protège le tabou, lui, interdit. Donc tous deux sont chargés d’énergie, de mana dans leur zone d’influence.
Le noa est ce qui est hors du champ du tabou, ce qui échappe à son influence. Pour reprendre ledécoupage anthropologique, le mana,
l’énergie sacrée est le réel alors que le totemest sa première mise en forme symbolique et nous retrouvons les deux tonalités de l’énergie :
bénéfique (protectiontotémique) et maléfique (répression du tabou). Par quelle opération le totem vient officier comme représentation première ?
C’est alors que s’impose le mythe de la horde.
1. L’hypothèse de la horde
Au commencement, était la horde avec à sa tête le père primitif (qui n’est pas d’ailleurs encore père) tout autant rassurant
(protecteur) qu’irritant (il s’accapare les biens de jouissance). Pour avoir leur part sous le soleil, les fils vont tuer le père et
le manger ce qui les réjouit autant que les désole (ambivalence en regard de deux tonalités paternelles). Mais, ils continuent à
s’entretuer cequi nécessite le pacte social incarné dans la loi tandis qu’ils vouent un culte au père et pour cela nomment l’absent par
le nom du totem puis Dieu. Avec la mort du père naît la fonction symbolique, la représentation d’un signifié (le père absent) par un
signifiant (nom du totem, Dieu) et avec cette fonction, les outils de tierceté : le langage et la loi. Sous la forme primitive de tabou,
la loi revêt trois formes fondamentales : les membres d’un même totem ne peuvent se marier entre eux (loi d’exogamie et
prohibition de l’inceste), ils ne peuvent ni s’entretuer ni manger l’un de leurs congénères ou le totem (interdit anthropophagique) .
Le père est donc le primo occupans, Dieu est le signifiant qui le désigne et ce Dieu sera le Dieu terrible du courroux
(la sainte colère) et de l’amour absolu car adoré et haï (projection). Il faudra sacrifier pour implorer le pardon (expiation)
et obtenir les largesses (propitiations) de ce Dieu de la jouissance à la face obscure.
Au crépuscule de sa vie, Freud nous livre une suite dans L’homme Moïse et la religion monothéiste (1939).
Moïse l’Egyptien frappe les cieux d’alignement en exportant le Dieu unique Aton de l’Egypte au désert mais est tué par les
migrants qui le suivent. Pendant l’exode, lesmigrants s’unissent aux nomades entre Canaan et l’Egypte et, à Cades, religion mosaïque
et celle de YHWH s’hybrident en un culte unique et c’est le compromis de Cades. Moïse l’Egyptien est confondu avec le Madianite
d’où la croyance en sa judaïté. Le traumatisme secondaire qu’est le meurtre de Moïse réveille et potentialise le traumatisme
primaire : le meurtre du père primitif. Ce réveil est aussi celui de la culpabilité caractéristique du peuple juif qui était frappée
par le refoulement et qui explique l’espoir messianique. Dans le christianisme, le fils (et Freud voit là la preuve du parricide)
rachète par sa mort le péché originel et mortel (donc, selon saint Paul, meurtrier).
Ainsi, Enriquez peut conclure : « Nous sommes passés d’un monde de rapport de force à un monde d’alliance et
de solidarité (…) d’un état de nature à un état de droit où la loi était incarnée par celui-là même que représentait vivant
l’arbitraire total »[67].
2. Les liens du religieux
Le dictionnaire Le petit Robert propose pour expliquer le signifiant “religion” une définition générale qui se subdivise en
quatre grands axes. La définition générale est : « Ensemble d’actes rituels liés à la conception d’un domaine sacré, distinct du
profane et destinés à mettre l’âme humaine en rapport avec Dieu ». De cette définition émanent quatre propositions plus
précises. La première est : « Reconnaissance par l’homme d’un pouvoir ou d’un principe supérieur de qui dépend sa destinée
et à qui obéissance et respect sont dus. Attitude intellectuelle et morale qui résulte de cette croyance en conformité avec
un modèle social et qui peut constituer une règle de vie », la deuxième : « Attitude particulière dans les relations
avec Dieu », la troisième : « Système de croyances et de pratiques impliquant des relations avec un principe supérieur
et propre à un groupe social » et, enfin, la quatrième stipule que la religion est un « sentiment de respect, de vénération ou
un sentiment du devoir à accomplir l’objet d’un tel sentiment »[68].
De son côté, André Lalande, dans son Vocabulaire technique et critique de la philosophie, définit le lexique religion
de trois manières. Tout d’abord, le terme est débattu en regard du lien social : « Institution sociale caractérisée par une
communauté d’individus unis par l’accomplissement de certains rites réguliers et par l’adoption de certaines formules,
par la croyance en une valeur absolue avec laquelle rien ne peut être mis en balance et que celle-ci a pour but de maintenir ».
Puis c’est l’aspect individuel qui est sollicité dans la définition : « Système individuel de croyances et d’actions habituelles ayant
Dieu pour objet ». La dernière acception, mieux conservée dans l’adverbe “religieusement” concerne la qualité du sentiment :
« Respect scrupuleux d’une règle, d’une coutume, d’un sentiment »[69].
Dans ces définitions et leurs subdivisions reviennent certains concepts : celui d’un Etre Suprême dans un monde
sacré avec lequel l’homme, circonscrit dans un monde profane, communique par des rites, seul ou en communauté et en passant
ou non par la voie institutionnelle mais toujours avec respect. Le monde sacré supérieur dessine le destin du monde profane et
de ses êtres. Faisons maintenant un parcours étymologique pour éclairer et discuter ces premiersconcepts.
Les anciens (Lactance, Augustin, Servius) voient dans l’étymologie de religion (religio) le terme latin religare qui
impose l’idée d’un lien qui peut être lien d’obligation à l’égard de certaines pratiques et lien d’union entre les hommes et
les dieux. Cicéron pense, lui, que religio dérive plutôt de relegere qui veut dire : relire, revoir avec soin. Mais,
relegere peut connaître une autre acception : relego où le préfixe “re” a le sens de réunion, religio signifie alors : recueillir,
rassembler. De manière plus générale, le latin religio désigne le sentiment avec crainte et scrupule d’une obligation envers
les dieux (nousallons retrouver avec cette notion d’hommes comme obligés des dieux, celle de dette exposée
par Fethi Benslama). Pour s’opposer au matérialismeépicurien Lactance parlera du religio comme la croyance en un
surnaturel quelconque. Mais, pour les anciens, il s’agissait plus de religiones que de religion de par la pluricité des dieux,
la diversité des croyances et des pratiques. L’arrivée du monothéisme change la donne car au Dieu unique conçu
comme puissance morale fait pendant une religion unique à caractère moral. Ainsi, quand de nos jours, nous parlons
de religion, nous parlons d’un système clos et complet qui regroupe trois concepts : une (ou des) affirmation(s) spéculative(s),
un ensemble d’actes rituels, un rapport direct de l’âme humaine à Dieu. La dernière idée peut être refoulée par les deux autres
(c’est là à mon avis que le comparatif avec la maladie du tabou est judicieux) mais elle peut prendre le devant de la scène
(comme dans la mystique). Mais, ce qui me semble fondamental c’est que le religio ne peut se réduire ni à une
institution sociale, ni à un système individuel de sentiments, croyances et rites ni encore à un composé d’initiatives
personnelles et de réactions collectives. L’objet d’attachement du fidèle n’est pas un objet capturé par lui mais
un sujet mystérieux, inaccessible à l’entendement, doué de vie, qui ne livre que par sa révélation ses lettres, son verbe et qui
met à la portée de ce fidèle son incommunicabilité par l’acte rituel. Même si cet objet est création de l’homme, projection
de son inconscient, cet homme de créateur devient une créature dépendante de sa création. Quant aux signifiants : mystère,
révélation, lettres, verbe, acte, ne sont-ils pas les plus appropriés pour spécifier cet inconscient qui, tapi ou projeté,
gouverne le monde ?
Fethi Benslama apporte une contribution capitale à cette tentative de définition du religio qui est pour lui la dette.
Pour cet auteur : « Au commencement est le retrait »[70]. Dans le judaïsme, ce retrait se produit dès la genèse où le
Créateur se retire pour laisser de l’espace à la création. Il en résulte une dette à l’égard de ce Créateur qui
s’autolimite, se soumet à l’épreuve du manque et cette dette est inextinguible. Dans l’Islam, cette dette est d’autant
plus grande que Dieu créé la créature pour se connaître lui-même : « Chaque créature est ainsi en position de miroir
de Dieu, résultant du manque qu’il a éprouvé pour aimer se connaître. Chaque existant est un reflet qui
témoigne du retrait divin pour inventer l’extériorité supportant son image »[71]. Donc tout sujet est et a une
dette envers le Créateur et ici une dette de connaissance. Mais, il y a une autre dette : la dette de chair.
Benslama reprend le concept freudien de religion en tant qu’illusion protectrice de la détresse vitale et de l’hostilité du
monde réelle ou projetée sur lui. Il est alors passé une d’une protection maternelle donc de la protection par un corps
substantiel à celle offerte par un corps de croyances. Cette opération, c’est l’abstraction soit la substitution de
l’intelligible au sensible. Ce retrait de chair est la dette à payer pour bénéficier de l’immunité mais cette dette ne peut être
soldée d’un coup : ce serait la mort. Donc, « il faut faire perdurer ce qui est perdu comme étant à perdre encore.
Faire perdurer la perte »[72].Tant qu’il y a de la chair, le sujet peut payer et donc il est préservé : « L’immunité est la
capacité de redevance »[73]. Dieu est donc : « L’endetteur-rétribueur »[74], avec lequel l’homme entretient un système
de créances. « Le retrait de la chose est la condition de religion"[75]. Au dieu endetteur-rétribueur,
Dany Robert Dufour préfère l’appellation de « grand d’hommesticateur »[76]. Cet auteur reprend la théorie naturaliste
de Ernst Haëckel (1834-1919) qui veut, dans la lignée des travaux évolutionnistes de Charles Darwin (1809-1892)
que l’ontogenèse récapitule la phylogenèse. Il oppose à cet auteur les vues du Freud de 1926 exposées dans
Inhibition, symptôme, angoisse : « Parmi les facteurs qui participent à la causation des névroses (…) il faut
retenir (…) l’état de détresse et de dépendance longuement prolongée du petit enfant d’homme. L’existence
intrautérine de l’homme apparaît face à celle de la plupart des animaux relativement raccourcie : l’enfant
d’homme est jeté dans le monde plus inachevé qu’eux »[77]. L’immaturité biologique de l’homme en regard
de ses prédécesseurs animaux ne va pas dans le sens d’une récapitulation phylogénétique, thèse dont Freud
est pourtant adepte. Pour contester l’évolutionnisme, Dufour réveille leconcept de néoténie introduit par l’anatomiste
hollandais Louis Bolk en1920. Les néotènes sont des animaux dont le développement peut s’arrêter avant la fin
du processus de maturation et pour lesquels s’installent définitivement des caractères de juvénilité qui auraient dû
n’être que transitoires. La néoténie vient du grec neo : nouveau et tein: radical qui veut dire étendre, prolonger.
« La néoténie c’est donc du juvénile qui se prolonge"[78]. Freud puis Lacan évoquerons ce concept. Freud
parlera de l’homme comme d’une chétive créature tandis que Lacan évoquera son inaptitude motrice nécessitant une
première prothèse (le trotte-bébé) comme préface de sa condition de « Dieu prophétique». A la question : d’où vient
la névrose ? Freud répond par trois facteurs qui sont pour le premier l’état de détresse et de dépendance du petit de
l’homme, pour le second la discontinuité du développement libidinal interrompu lors de la période de latence et,
enfin, le troisième l’imperfection de l’appareil animique qui fait que le moi doit se protéger de l’irruption
des contenus inconscients.
Dès 1949, Jacques Lacan parle, lui, à propos de l’infans d’un « être encore plongé dans l’impuissance motrice
et la dépendance du nourrissage »[79]. La caractéristique du néotène humain dit Robert Dufour c’est que
« même ceux qui naissent à terme viennent quand même au monde trop tôt »[80] et, poursuit-il, la conséquence
première en est « un défaut de présence dans l’espace et dans le temps »[81].Par contre, cette inaptitude à l’instant
fait que l’intelligence du néotène ne s’épuise pas dans l’événement mais il peut « revenir à avant pour se précipiter
après »[82]. Pourtant ce néotène heureux, sorti de la prison duprésent, perd « l’admirable souveraineté de l’entière présence
à soi »[83]. Il n’est donc qu’un animal triste qui ne vit que dans « un étrange temps : le re-présent »[84] puisqu’avec
le langage, spécificité humaine, il peut représenter (présenter à nouveau), c’est à dire ramener les choses absentes dans
le présent : « C’est à dire qu’il vit dans un autre monde, un monde halluciné grâce au langage. Halluciné par le
manque d’objet, il entend des sons et il en infère une situation jusqu’à se la représenter dans ce que les Grecs
appelaient phantasia et les Romains visiones »[85].Ce monde pour Dufour n’est pas la culture qui ferait croire à deux
mondes séparés : celui du vivant, monde du besoin ou s’appliquent les lois organiques et celui du parlant, monde
du désir doté de lois symboliques. Pour cet auteur, les deux mondes ont leur autonomie propre mais sont en
continuité d’où son appellation de seconde nature pour le monde de la culture. Cette théorie pose question. Elle ne tient
pas compte du fait que l’homme, si imparfaite soit son évolution biologique est avant tout produit des mots
(le parlêtre) avant de faire parler langage. Deux conséquences en découlent : le pouvoir de nomination et, du même coup,
la mise en relation des composantes du corps naturel. L’homme n’est pas homme-machine mais le discours d’éléments
nommés. C’est parce qu’il a le langage et un outillage défaillant qu’il puise dans le Trésor. Il n’y a donc pas de corps
autre que culturel sinon il s’agirait d’une machine et l’immaturité est la condition du langage.
C’est ainsi que naît le “grand d’hommesticateur”. Dans la première nature la dominance, du fait de la
néoténie ne peut s’expliquer. Elle se résout dans la seconde nature avec la création d’un être surnaturel. Les néotènes
ont pour particularité d’aimer passionnément les figures de seconde nature qu’ils créent et, d’autre part, cet amour est à
distinguer de l’amour d’un sexe pour l’autre puisqu’il s’agit ici de l’amour dissymétrique des deux sexes pour
l’Autre. Donc : « La domestication de l’homme passe par l’élection ou l’érection, au centre des systèmes symboliques
d’une grande figure imaginaire. Cette grande figure n’a cependant rien de fixe. En effet,la seconde nature étant
en expansion permanente, le néotène est constamment contraint de réinventer les dieux qui soutiennent son monde,
sous peine d’effondrement total »[86].
En tout cas, nous pouvons retenir de ces définitions que la religion instaure deux liens, l’un de l’homme
à Dieu, l’autre entre les fidèles d’une même conversion. Dans l’Ancien-Testament, le Dieu vétérotestamentaire marque
d’un symbole l’Alliance entre lui et les hommes et cette Alliance est par trois fois renouvelée. La première
Alliance se tisse avec Noé après qu’il ait, sur le mont Ararat, échappé avec les siens à l’extinction de l’humanité pécheresse
et le symbole en est l’arc-en-ciel : « Je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d’alliance entre moi
et la terre » (Gn. 9 ; 13). Le pacte se reproduit avec Abram qui devient Abraham (de abhamôn : père de
multitude) et ici El Shaddai (le Dieu de la montagne) annonce l’extension de l’espèce humaine : « Je t’accroîtrai
extrêmement » (Gn17 ; 2) et le symbole de ce pacte sera la circoncision huit jours après la naissance. Remarquable passage
que celui-ci où la Bible montre que le propre du nom, le signifiant qui assigne la place singulière de notre être dans le monde
avant d’être singularisé par le prénom dans la famille, ce patronyme, désigne aussi la nature de l’être et ainsi Abram
(de noble lignée) devient Abraham. Enfin, c’est à Moïse au Sinaï que Dieu s’adresse cette fois-ci en son nom,
donné lors de l’épisode du buisson ardent (YHWH) : " Je vais conclure avec toi une Alliance »(Ex. 34 ; 10), elle sera
marquée par le décalogue.
Pourtant, dans l’Ancien-Testament, YHWH, retire cette Alliance comme une peau de chagrin. D’abord créateur
ex-nihilo du cosmos, il devient le Dieu de tous les êtres animés puis celui des nations pour, in fine, être celui d’Abraham,
Isaac et de Jacob comme représentants du peuple élu : "Avant de te former au ventre maternel,, je t'ai connu " (Jr. 1 ; 5).
La prédestination de l’Ancien-Testament (d’avant la chute du jardin d’Eden) est dans la bonne nouvelle, l’évangile,
confirmée : « Pour ce qui est d’être assis à ma droite ou à ma gauche,cela ne dépend pas de moi et ne sera donné qu’à ceux
à qui mon père l’a réservé » (Mt. 20 ; 3). C’est la double élection que reconnaîtra saint Paul qui étend pourtant aux “gentils”
la parole de Dieu. Quant à l’Alliance, elle est renouvelée avec pour symbole les oblats (pain et vin) du dernier repas
présentifié par le rite eucharistique : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon sang qui sera versé
pour vous » (Lc. 22 ; 20).
Une autre Alliance s’instaure, celle-là entre les hommes d’une même conversion : la religion relie l’homme
à l’homme. Freud, à sa manière, explique, constate la force de lien religieux mais aussi son caractère électif et
restrictif : « Au fond, toute religion est une religion d’amour pour tous ceux qu’elle englobe et est prête à
se montrer cruelle pour ceux qui ne la reconnaissent pas »[87]. C’est d’ailleurs ce que dit le Christ : « Qui n’est
pas avec moi est contre moi et qui n’amasse pas avec moi dissipe » (Lc. 11 ; 23).
Mais, prédestination ou pas, le développement du christianisme par son inventeur, Paul, « L’apôtre par
appel » (Rm. 1 ; 1) va mettre au premier plan le mandatum : «Tu aimeras ton prochain comme
toi-même » (Mc. 12 ; 31) et l’amour des ennemis : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui
vous haïssent » (Lc. 6 ; 17). Cette invitation à la paix devrait contenter Freud lors même qu’elle solidarise les hommes.
La théorie d’un narcissisme primaire comme condition de l’oblativité est en germe dans la bonne-nouvelle dans la
conclusion du mandatum: “comme toi-même”. Mais, il n’en est rien et l’empirie de Freud frôle le mercantilisme.
Il suggère de modifier le nouveau deuxième commandement : « Aime ton prochain comme il t’aime lui-même »[88].
Le prochain doit mériter l’amour donné par son exemplarité : « S’il est tellement plus parfait que moi, il m’offre
la possibilité d’aimer en lui mon propre idéal »[89]. Cette récupération narcissique de l’amour se panache du fait
que l’amour n’est pas à gaspiller et cette « prétention encore plus inadmissible »[90] qu’est l’amour de l’ennemi
doit laisser place nette à l’amour des siens : « Tous les miens apprécient mon amour pour eux, il serait injuste
à leur égard d’accorder à un étranger la même faveur »[91]. “Homo homi lupus” rappelle-t-il, pessimiste, proverbe
qui fait écho aux contraintes du contrat social sur un désir qui ne renonce pas : « Chaque individu est virtuellement
un ennemi de la civilisation »[92].
La religion continue de fédérer les hommes mais force est de constater que cette assertion valable pour
le monde Arabo-musulman fédéré par l’Islam et le judaïsme regroupé autour de la Tora n’est plus valable pour la
chrétienté et particulièrement pour sa forme catholique romaine. Pourtant, le catholique actuel est plus dans l’optique
du mandatum que celle du croisé qui pourfendait l’infidèle et qu’en conséquence, qualitativement, la pratique
s’avère meilleure tandis que quantitativement, tant du côté des ministres du culte que de celui des fidèles, il y a
une inflexion remarquable. Pour comprendre ceci, il faut poser que la chrétienté, devenue religion d’Etat :
“l’ecclesia” sous l’empire romain a intégré le caractère administratif de cette civilisation. Elle dispose d’un lieu :
le diocèse, d’une hiérarchie drastique (au sommet est l’évêque, l’episkopos : le surveillant). Le magistère va
multiplier les dogmes et les sacrements, la théologie est souveraine avec la catéchèse. Donc, la religion est
institutionnalisée et l’institution est sa corruption (la Réforme luthérienne naît de ce constat). Mais, surtout, le numen
est masqué (et non plus tempéré) par une religion dénaturée, obsessionna-lisée et le grégarisme qui visait
à lutter contre l’effroi se dissout de même que la cohésion rituelle de l’agapé : « Les premiers chrétiens
mangent, prient, vivent ensemble, leur rapport à l’Absolu est de type associatif et défensif (…) celui qui se convertit
ne rentre pas chez soi pour savourer sa joie à l’écart, il sort de son for intérieur pour rejoindre le groupe »[93].
Les temps modernes montreront un catholicisme social qui se confond avec une idéologie socio-politique et donc
n’a plus de raison d’être. La religion n’a pasà être humaine mais inhumaine, si elle veut remplir sa mission salvifique :
proposer cet au-delà dont je parlais plus haut contre un ici-bas agressif. Elle doit en fait avoir une double polarité :
paternelle (les interdits) et maternelle (les consolations) sans se moduler aux desideratades fidèles.
Avec le monothéisme, les hommes s’adressent à un interlocuteur suprême : tout dépend de lui, il ne dépend
de rien.Il n’est pas comme les dieux du polythéisme soumis au destin, aux Moires et aux Parques. C’est un Dieu
qui répond de tout : bienfaits et méfaits, un Dieu que l’on vénère, conspue et avec qui l’on négocie (Abraham
à propos de Sodome). C’est le Nom-du-Nom de ces temps bénis où les hommes parlaient avec Dieu car
maintenant, pour leur plus grand malheur, c’est Dieu qui parle aux hommes.
C - LA FONCTION INTERDICTRICE
Dans l'Ancien-Testament, le Dieu de l'Horeb donne à l'homme les commandements à ne pas enfreindre
pour que l'Alliance soit maintenue. La loi des tables est renouvelée dans le Deutéronome et dans le Nouveau
Testament le Christ annonce qu'il « n'est pas venu pour abolir mais accomplir » (Mt. 5 ; 18). Cette loi est
aussi loi civile, loi pénale, loi nécessaire à la constitution et au maintien du pacte social. La loi est le signe
que l'homme n'est pas bon, que son objectif premier est la détention à tout prix de biens de jouissance et si, in fine,
il obéit aux lois, c'est que l'insécurité l'emporte : « L'homme n'est point cet être débonnaire au cœur assoiffé
d'amour (...). L'homme est, en effet,tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépends de son prochain,
d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier
ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer » [94]. Autant de lois, autant
de mauvais penchants et si la culture, le pacte, l'emporte sur la nature sauvage et, ce, via l'Higflosigkeist, l'homme
reste un outlaw potentiel car les « passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels »[95].
Même le mandatum montre que « rien n'est plus contraire à la nature humaine que d'aimer son
prochain»[96]. Lacan peut, dans son retour à Freud, écrire : « Il n'y a de loi du bien que dans le mal et par le mal »[97].
Par ailleurs, la loi toute protectrice qu'elle est, arrive pour faire scintiller l'objet du désir : « Je n'ai eu
connaissance de la chose que par la loi. En effet, je n'aurais pas eu l'idée de la convoiter si la loi ne m'avait
dit - Tu ne la convoiteras pas »[98]. La loi induit la séduction par la chose en même temps qu'elle interdit d'en jouir et,
tout désir depuis flirte avec la mort : « Le commandement qui devait mener à la vie s'est trouvé mener à la mort
car la chose trouvant l'occasion m'a séduit grâce au commandement et, par lui, m'a fait désir de mort »[99].
La désobéissance à la loi divine rompt l'Alliance et a pour nom péché. Le péché, dans l'Ancien-Testament,
est considéré comme une trahison de l'amour de Dieu, trahison des fils envers le père : « J'ai élevé et fait grandir
des fils mais ils se sont révoltés contre moi » (Is. 1 ; 3), trahison aussi de l'époux (Dieu) par l'épouse
(le peuple d'Israël). Au termede l'histoire du monde, les prophètes insistent sur la purification des souillures
par Dieu : « Je sanctifierai mon grand nom (...). Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez
purifiés » (Ez. 36 ; 25) et l'oubli des péchés : « Je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de
leur péché » (Jn. 31 ; 34). C'est l'espérance juive. Dans le Nouveau-Testamentet le christianisme, le fils par
sa mort remet les péchés. C'est la grâce divine.
La rémission pour celui qui persiste n'est obtenue que quand la demande de pardon est authentique et
sincère et cette demande demande une introspection et non le dédouanement commode que souligne Freud :
« On péchait puis on apportait les offrandes ou bien l'on faisait pénitence et, alors, on était libre de pécher
à nouveau (...). Le péché est donc en fin de compte une oeuvre agréable à Dieu »[100], Freud est alorstrès proche de
saint Augustin qui voit dans le mal l'aimé de Dieu, la cause du désir de Dieu pour l'homme “Felix culpa”. Mais, alors
que Freud voit cyniquement la marque d'un Dieu immoral : « De tout temps l'immoralité a trouvé dans la religion
autant de soutien que la moralité »[101],saint Augustin pense à un Dieu aidant un homme incapable par sa propre
force d’être vertueux. Freud poursuit sa démonstration d'un Dieu créé ex-nihilopar l'homme pour se déresponsabiliser,
aidé en cela par l'invention du diable. L'homme a créé l'Autre (Dieu) de l'Autre (le père) qui, par projection de
l'ambivalence filiale a une double face : Dieu de justice et d'amour, il est aussi le Dieu de la haine et de
la récrimination, puis intervient « un processus psychique qui nous est bien connu, la décomposition d'une
représentation impliquant opposition et ambivalence en deux contraires violemment contrastés »[102] .L'amour
sera maintenant la marque de Dieu, le mal celle du diable. Il est vrai que le serpent de la Genèse, le principe
opposant qui induit l'initiation, n'aplus la même tonalité depuis la tentation au désert, il estdevenu l'opposant, celui qui
souhaite voir Jésus se corrompre. C'est le diabole (celui qui désunit), l'accusateur, l'adversaire : « Cela correspond à
une évolution de la pensée religieuse car Dieu a été une puissance absolue déterminant le cours de l'histoire par
des bienfaits et des méfaits. Dieu était à la fois le diable et le bon-Dieu, l'opposant et le seigneur. »[103].
Ce diable ne refuse pas à l'homme en vue d'un hypothétique ailleurs mirifique, les biens de jouissance c'est
même ici et maintenant qu'il lui offre ces biens dont il est le détenteur : « Le diable possède, à offrir contre
la rançon d'une âme immortelle, toutes sortes de choses que les hommes estiment fort haut : richesse, sécurité
dans les dangers, puissance sur les hommes et sur les forces de la nature et, avant toute chose de la jouissance,
la jouissance de belles femmes "[104].
Le péché est donc l’œuvre du diable et à ce titre : « Le diable est encore le meilleur subterfuge
pour disculper Dieu »[105]. L'homme est ainsi tenté par le diable et pardonné par Dieu. La boucleest bouclée.
Le sacré ne fait pas toujours l’objet d’une lecturesymbolique et c’est alors que l’on peut parler de magie.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
25 J. Lacan, 1973, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 87
26 J. Lacan, 1955, Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique psychanalytique, Paris,Seuil, 1975, p. 270, p.
27 J. Lacan, 1973, Encore... op. cit., op.cit., p. 87
28 M. Gauchet, 1985, Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 2004, p. 56
29 A. Vergotte, Mythe et Rêve, figures de la rationalité, Etudes d'anthropologies philosophiques, 1981, T3, p. 97
30, C. Levi-Strauss, 1971, L'homme nu, Paris, Plon, p.603
31 G. Sissa,1993, Mythologie in L'apport freudien, Eléments pour une encyclopédie de la psychanalyse (sous la direction de Pierre Kaufmann),
Larousse, 1998, p. 797
32 Idem
33 S. Freud, 1939, L'homme MoÏse et la religion monothéiste, Paris, Gallimard, 1993, p. 197
34 R. Girard, 1972, La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1996, p. 133
35 J. Lacan, 1970, L'envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, pp. 129-130
36 S. Freud, 1912, Totem et Tabou, Paris, Petite bibliothèque, Payot, 1985, p.
37 J. Lacan, 1970, L'envers... op. cit., p. 139
38 S. Freud, 1917, Introduction à la psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque, Payot, 1998, p. 316
39 S. Freud, 1932, Eclaicissements, applications, orientations, Nouvelles conférences...op. cit. , p. 224
40 S. Freud, 1932, Inhibition, symptôme, angoisse, Paris, P.U.F., 1975, p. 12
41 S. Freud, 1927, L' avenir... op. cit., p. 44
42 Ibidem, p. 45
43 Idem
44 F. Benslama, 2002, La psychanalyse à l'épreuve de l'Islam, Paris, Flammarion, 2004, p. 46
45 Ibidem p. 46
46 Idem
47 Ibidem, p. 47
48 S. Freud, 1907, Actes obssédants et exercices religieux, l'Avenir...;op. cit. pp. 93-94
49 S. Freus, 1912, Totem... op. cit., p. 48
50 S. Freud, 1930, Malaise... op. cit., p. 18
51 S. Freud, 1927, L'avenir... op. cit., pp. 70-71
52 S. Freud, 1907, Actes obssédants... op. cit., p. 86
53 S. Freud, 1932, Eclaircissements... op. cit., p. 21
54 S. Freud, 1912, Totel... op. cit., p. 114
55 S. Freud, 1927, L'avenir... op. cit., p. 53
56 F. Joncs, 1955, La vie et l'oeuvre de Sigmund Freud,T2, Paris, P.U.F., 2000, p. 372
57 S. Freud, 1930, Malaise... op. cit., p. 25
58 A. Houziaux, 1998, Le serpent, le sexe, le diable, in La religion, ses maux, ses vices, Paris, Presses de la Renaissance, p. 121
59 Ibidem, p. 122
60 M. Balmary, 1986, Le sacrifice interdit, Paris, Le livre de poche, p. 149
61 J. Lacan, 1960, L'éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 270
62 R. Caillois, 1950, L'homme et le sacré, Paris, folio-essais, 1993, p. 35
63 K. Burridge, Religions de l'Océanie in L'histoire des religions (sous la direction d'Henri-Charles Puech), T2, Paris, folio-essais, p. 68
64 J. Vidal, 1983, Totem et totémisme in Dictionnaire des religions (sous la direction de Paul Poupard), T2, Paris, P.U.F., p. 2033
65 S. Freud, 1911, Totem... op. cit., p. 38
66 Ibidem, p. 38
67 E. Enriquez, 1983, De la horde à l'Etat, Paris, Gallimard, p. 38
68 Dictionnaire Le petit Robert (sous la direction d'Alain Rey), Paris, Dictionnaires Le Robert, 1986, p. 1654
69 A. Lalande, 1925, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 1986, pp. 915-917
70 F.Benslama, 2002, La psychanalyse… op. cit., p. 63
71 Idem
72 Ibidem, p. 62
73 Ibidem, p. 63
74 Ibidem, p. 65
75 Idem
76 D.R. Dufour, 2005, On achève bien… op. cit.,p. 105
77 S.Freud, 1926, Inhibition… op. cit.p.
78 D.R. Dufour, 2005, On achève bien… op. cit.,p. 105
79 J.Lacan, 1949, Le stade du miroir comme formateur du Je, Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p. 94
80 D.R. Dufour, 2005, On achève… op. cit.,p. 41
81 Ibidem, p. 41
82 Ibidem, p. 45
83 Ibidem, p. 47
84 Ibidem, p. 55
85 Idem
86 Ibidem,p. 108
87 S. Freud, 1920, Psychologie collective et analyse du Moi, Essais… op. cit., p. 119
88 S. Freud, 1930, Malaise... op. cit., p. 63
89 Ibidem, p. 62
90 Ibidem, p. 63
91 Ibidem, p. 62
92 S. Freud, 1929, L'avenir... op. cit., p. 9
93 R. Debray, 1991, Cours de médiologie générale, Paris, Gallimard, p. 151
94 S.Freud, 1929, Malaise... op. cit., pp. 64-65
95 Idem
96 Ibidem p. 66
97 J.Lacan, 1960, L'éthique de la psychanalyse, Paril, Seuil, 1986, p. 223
98 Ibidemp. 101
99 Idem
100 S.Freud, 1927, L'avenir... op. cit., p. 54
101 Idem
102 S.Freud, 1923, Une névrose démoniaque au XVIIème siècle, Essais de psychanalyse appliquée, Paris, idées-gallimard, 1976, p. 227
103 A. Houziaux, Le serpent... op. cit., p. 123
104 S. Freud, 1923, Une névrose... op. cit., p. 219
105 S. Freud, 1929, Malaise... op. cit.,p. 75